Nouvelle vie affective, nouveau cap artistique et l’impression de retrouver ce flot de lumières et d’émotions qui l’envahissait lors de l’enfance à Saint-Dié dans les Vosges. La tête tourne de tant de liberté mais c’est aussi ce qui fait le charme enivrant de ce disque : Fredda s’aventure un peu plus à être elle-même. Matt Low, échappé de The Delano Orchestra et complice de Jean Louis Murat, vient épauler cette mue avec des musiciens maîtrisant à merveille le chemin noueux entre l’influence folk et une pop lumineuse. L’arrangeur Pascal Parisot complète ce travail d’orfèvre en distillant subtilement quelques synthés analogiques, le mordant des claps, quelques cuivres et les envolées de chœurs célestes. Comme le frottement de deux silex, l’étincelle de « Phosphène » nait de ce relief : le chaud du bois des guitares et la peau des batteries caressent tandis que défile le film mouvementé d’une nouvelle vie en cours d’éclosion.
Après la spontanéité des répétitions à Clermont-Ferrand, ce sont les prises live dans le mythique studio Black Box à Angers qui contribuent à faire de cet album un disque vivant, proche de la sincérité qui la faisait vibrer adolescente en écoutant Neil Young, un écrin parfait pour sa plume nourrie par son rapport sensuel à la nature et au corps. Fredda aime provoquer des images et l’encre de ses tatouages coule sur le livret de cet album, comme de petits trésors de poésie exprimant toutes les humeurs par lesquelles passe ce retour à soi et cette transformation. Et la lumière dans tout ça ? Les phosphènes qui strient le ciel de son imaginaire sont d’abord d’autres femmes éprises comme elle de liberté, de Mata Hari (« Aube ») jusqu’à l’indienne Mirabaï (« Refuge ») en passant par Marilyn Monroe (« Argent ») pour une adaptation en français tout aussi charmante que l’original de « One Silver Dollar » qui figurait sur la B.O du film « La rivière sans retour ». Fredda se nourrit de ses mille vies, c’est l’enfant sauvage et effrontée de « Viens avec moi » qui nous invite à danser malicieusement dans le courant, c’est aussi la voyageuse et l’aventurière, les phosphènes troublant sa vision entre le jour et la nuit, cet espace de « Dorveille » tout trouvé pour s’inventer un territoire vierge où tout est permis. Elle apprécie logiquement l’esthétique contrastée des films de Murnau tout comme les âmes tourmentées des peintres romantiques. On croise donc aussi sur le magnifique et écolo « Nordique Ophélique » l’Ophélie de Shakespeare qui chante alors qu’elle se noie, victime de la fonte de la banquise. Les phosphènes n’en scintillent que plus dans l’obscurité, voilà sans doute pourquoi magnificence et mortel danger semblent sans cesse se côtoyer sur ce disque d’émancipation qui fait aussi quelques clins d’œil à l’Amérique, celle qui a façonné les rêves de Fredda jusqu’à lui brûler les ailes lors de ses jeunes années. Le souffle de Morricone n’est pas très loin sur le sensuel « Cheveux Serpents » où s’entremêlent sa voix et le timbre grave de Matt Low. Et ce souffle se transforme en tempête sur un « Vent diable » aussi redoutable que libérateur inspiré par le passage du cyclone Irma sur les Antilles. Il y a dix titres sur ce nouvel album, dix chansons qui électrisent les sens et nous portent donc vers l’inconnu et son contraire : la connaissance de soi. Un parcours initiatique délicat et passionnant qui nous susurre à l’oreille qu’errance peut aussi rimer avec jouissance.
« Et soudain tout s’éclaire, corps flottants de lumières. Amour phosphène parmi les étoiles inondées d’errance… ».
Fredda a joué, écrit et co-réalisé ce nouvel album avec Pascal Parisot. Le disque a été enregistré par Peter Deimel au Black Box studio et mixé par Yann Arnaud. Elle sera très bientôt sur la route en France et en Allemagne entre autres, en solo ou en groupe, pour partager les lueurs de « Phosphène ».
– Christophe Crenel