Kit de Survie en Milieu Hostile s’ouvre sur une fausse promesse de Grands voyages. Étonnant de la part d’un artiste aussi sédentaire que Betsch. On comprend vite cependant que si voyage il y a, il sera avant tout imaginaire, voire sous le régime de la claustration. Car comme le dit Michel Sardou (l’un de ses mentors inavoués) : « Aussi loin qu’on va. On part avec soi. On ne s’oublie jamais ». À bien des égards ce nouvel opus de Betsch a des airs de rétrospective si l’on considère les nombreux clins d’oeil à sa discographie qu’il contient. Tant et si bien que ces dix titres rassemblent et synthétisent toutes ses obsessions, à ceci près qu’une certaine sagesse à laquelle il ne nous avait pas habitué transparaît. BB a beau faire l’inventaire de tous nos échecs, nos erreurs, nos manquements, nos reculades, nos apories, nos épreuves, nos renoncements (J’y pense et puis j’oublie, Nous n’avons fait que fuir…) il invite à prendre de la hauteur jusqu’à embrasser dès le deuxième titre l’Amor fati de Nietzsche, ce grand oui à la vie qui demande à l’individu d’accepter son destin sans réserve.
Comme toujours Betsch nous promène de mélodies enrobantes en arrangements chaleureux. Pour autant la pilule n’est pas moins difficile à faire passer. Car Betsch ne cesse de nous parler de cette vie qui se résume parfois à une Danse sous avalanche à travers laquelle il s’agit de sauver sa peau, parfois même de la risquer.
À mi-parcours l’auteur ose une saillie politique (J’irai pleurer sur vos tombes). Façon pour lui de prendre à nouveau le parti des losers, des gagne-petits, des opprimés, parti qu’il a toujours revendiqué et qui prend là presque un détour christique. Betsch semble vouloir attirer à lui tous les laissés pour compte, y compris ces femmes de 50 ans qui traînent avec elles une partie du chagrin du monde (Les chevaux de frise).
L’album s’achève par une injonction assez inhabituelle chez l’auteur puisqu’il nous propose d’aller Vers la joie. L’adversité ne l’empêche pas de prôner le dépassement de soi. Après tout, il ne faut pas désespérer Billancourt.
En fin de compte, tout au long de cet (ultime ?) opus, BB prend un malin plaisir à conjuguer espoir et désespoir, à en mélanger les fils dans un subtil canevas aux sonorités classiques (belle présence de Salomé Perli aux violons), parfois rehaussé de discrètes touches d’électronique.
Bref, Betsch ne cherche pas à se réinventer, il nous offre plutôt un inventaire ambigu et poétique de tout ce qui le taraude. Libre à chacun d’y trouver son compte ou son mécompte.