Il y avait cette chanson sur un CD.
Le disque ne payait pas de mine. Il s’appelait Une rentrée 98. Il était distribué gratuitement par un magazine de musique qui s’appelait Les Inrockuptibles (souvenez-vous…). Il y avait un logo Agnès b et un autre de la FNAC sur la pochette, qui n’était pas particulièrement jolie par ailleurs.
On y entendait Placebo, PJ Harvey, Cake, Elliott Smith, Fun’ Lovin Criminals, Eels, The Boo Radleys et même Bob Dylan, dont le fameux “Royal Albert Hall concert“ de 1966 n’était pas encore édité officiellement à l’époque.

Je ne sais pas pourquoi j’avais récupéré ce CD. Je n’étais pas abonné aux Inrockuptibles, c’était bien au-delà de mon budget.
Mais j’avais ce CD à la maison et, fichtre, il en passait du temps sur la platine.
Vingt-cinq ans
Il y avait cette chanson dessus, qui détonait un peu, la seule chantée en français d’ailleurs. Elle s’enchaînait avec celle de Mellow au milieu du disque, dans sa partie la moins fougueuse sans doute. Une langueur inattendue prenait l’auditeur par surprise à ce moment de l’écoute.
Le groupe s’appelait Superflu. La chanson s’appelait Vingt-Cinq ans.
J’en avais beaucoup moins à l’époque. Les cheveux blancs ne m’inquiétaient pas du tout. Les perdre encore moins. Je chantonnais pourtant ce morceau irrésistible de façon presque quotidienne. La chanson aurait pu me faire l’effet d’un film de science fiction. Elle allumait pourtant quelque chose de particulier, dans ce vécu que je n’avais pas, qui ressemblait beaucoup à un écho de ce que serait la vraie vie plus tard…
De 1998 à 2024
Pendant les vingt ans qui ont suivi peut-être, je n’ai pas écouté Superflu. L’album qui entourait la chanson est demeuré un mystère non éclairci, une jungle non explorée.
Mais la chanson, elle, est restée pendant tout ce temps, d’une présence discrète, lancinante, un vieux refrain qu’on n’oubliera pas. Plus sans doute que n’importe quelle autre sur ce disque, elle avait fait son chemin et s’était installée dans ma mémoire pour traverser les décennies dans un long flot tranquille, où je l’y convoquais régulièrement.

Et puis les événements, comme souvent, se sont enchaînés. Jusqu’à la réédition de cet album en l’occurrence, Et puis après, on verra bien, comme une destination enfin connue, comme une évidence aujourd’hui. Il a fallu trois albums au préalable, ceux de Fontaine Wallace puis celui de Signal Faible, pour que s’opère dans les meilleures conditions ce voyage musical empreint d’une nostalgie tournée vers l’avenir. Le temps qu’il fallait, après écoutes et discussions nombreuses, après une lente infusion de notre relation avec Nicolas Falez, pour comprendre à quel point cette réédition de Superflu était essentielle.
Il y avait cette chanson sur un CD.
Il y a plus de 25 ans.
Jean-Charles